LABEAUME : UN ENVIRONNEMENT ET UNE GÉOGRAPHIE REMARQUABLES
UN RELIEF ORIGINAL
La commune de Labeaume présente, sur une superficie de 1766 hectares, plusieurs types de paysages contrastés entre les vallées profondes et les plateaux dénudés. Ils sont, dans leur quasi totalité, influencés par la nature des roches qui affleurent sur la plus grande partie de leur surface. Les couches sont presque exclusivement calcaires : un peu marneuses à l’Ouest, elles deviennent très dures à l’Est. Leur dureté est telle que le calcaire est exploité à Peyroche, juste au-dessus de l’Ardèche, où l’on extrait de la Pierre de Ruoms , qui vient de Labeaume…
LE PLATEAU DES GRAS
Il couvre la plus grande partie du territoire, entre les gorges de la Ligne au nord-est, de l’Ardèche à l’est et de la Baume au sud. Il correspond à une surface calcaire peu ondulée ayant une pente très douce vers l’Est. L’altitude, de 260 à 270 m au-dessus de Rosières, n’est plus que de 170 m au-dessus de Ruoms.
Sur et plus encore dans la roche calcaire se forme un paysage original, dit « karstique ». La roche affleure partout et certains secteurs possèdent des formes semblables à celles du célèbre Bois de Païolive, qui s’est développé dans les mêmes terrains : rochers ruiniformes, fissures profondes dans lesquelles disparaissent les eaux.
Ce paysage karstique se caractérise par la capacité de la roche à absorber l’eau. Au lieu de circuler en surface, elle s’infiltre très rapidement. Les karsts sont complètement dépourvus de cours d’eau, même si lors d’orages exceptionnels, les dépressions peuvent devenir des lacs temporaires.
La capacité des calcaires à absorber l’eau a des conséquences sur la vie des hommes sur les Gras :
– les sources et les puits sont quasi inexistants. Les grands mas que l’on peut admirer sur le plateau ne vivaient autrefois que grâce à de vastes citernes qui collectaient l’eau, des toits le plus souvent, mais parfois aussi de surfaces calcaires en légère pente, comme au Bois Saint Martin ou à Gadret. Les eaux collectées sur le sol étaient en général réservées aux bêtes ou à l’arrosage des jardins, celles des toits étaient pour les hommes ;
– la circulation de l’eau dans le calcaire se faisant en grande partie par de larges fissures, il n’y a aucune épuration naturelle de cette eau, qui ressort des massifs calcaires dans l’état dans lequel elle y est entrée. Il est donc indispensable d’être très attentif aux risques de pollution sur les Gras, surtout lors de la mise en place d’assainissements individuels ;
– en revanche, les réserves en eau dans les plateaux calcaires sont souvent abondantes, mais presque inaccessibles, sauf à la périphérie où des sources importantes restituent toutes les eaux infiltrées. Ces sources peuvent être étonnantes, comme ces « jardins suspendus » que l’on trouve dans les gorges de la Baume, qui utilisaient autrefois l’eau d’une vasque sortant d’une fissure du calcaire, si abondante qu’on ne parvenait pas à vider la vasque.
Le plateau n’est pratiquement plus cultivé de nos jours. L’élevage de moutons et de chèvres, autrefois important, a disparu, ce qui provoque la croissance des buis et autres végétaux envahissant les prés et favorisant les feux. Il est question de réimplanter une zone agro pastorale au Nord de la Commune.
Une des raisons principales de l’abandon des cultures est la pauvreté, voire l’absence des sols sur le plateau et ses versants. On y pratique la « monoculture du caillou », car les pierres affleurent partout, quand ce n’est pas la roche en place. Ces paysages « sauvages » et désolés sont peu favorables à l’activité agricole. Ils sont cependant source de dépaysement pour les visiteurs qui croient y retrouver un paysage naturel et sauvage.
Or, toute la commune de Labeaume est constituée de ce que l’on appelle un paysage « anthropique », c’est-à-dire formé par l’action de l’homme. En effet, il y a dix mille ans, les plateaux calcaires français étaient couverts de forêts denses installées sur des sols continus. Ce sont les éleveurs du Néolithique et ceux qui les ont suivis qui ont, durant la première crise écologique de l’histoire des hommes, complètement déboisé les plateaux calcaires pour y faire paître leurs troupeaux. Ils étaient nombreux, comme l’atteste le grand nombre de monuments mégalithiques (138) découverts à Labeaume. Les sols sur le calcaire, très fragiles, n’ont plus été protégés par la couverture forestière. Ils ont été érodés et ont presque disparu, sauf dans quelques dépressions fermées dans lesquelles ils se sont accumulés et qui sont les seuls secteurs vraiment cultivables du plateau. Cette absence de sols aggrave les difficultés de mise en place d’assainissements individuels : il est parfois presque impossible de trouver des surfaces suffisantes pour implanter les réseaux de drains d’infiltration prolongeant les fosses septiques.
LES GORGES
Elles présentent des versants très pentus, avec des parois nombreuses, dues à la grande résistance à l’érosion des couches calcaires et à « l’immunité » à l’érosion des parois verticales : parallèles à la pluie, elles ne sont pratiquement plus attaquées par l’eau. Dans les parois, on observe fréquemment des traces de l’action souterraine de l’eau, sous forme de grottes, d’abris. Cavités et parois sont particulièrement remarquables sur le site du village de Labeaume.
Le fond des gorges est très étroit, hormis dans de rares élargissements de méandres. Les gorges, comme les Gras, sont beaucoup moins exploitées qu’elles ne l’étaient il y a un siècle. Elles ont, dans leur partie centrale, repris un aspect « sauvage », mais pas naturel puisque bois et taillis couvrent des surfaces où les moutons paissaient autrefois.
Les cours d ’eau qui ont formé les gorges, Ligne au Nord, Ardèche à l’Est et Baume au Sud, proviennent tous des Cévennes situées à quelques dizaines de kilomètres à l’ouest. Ce sont des eaux allogènes qui peuvent s’assécher temporairement, souvent en fin d’été. Cela arrive fréquemment, par exemple, dans les gorges de La Baume, en amont des Gras, jusqu’à ce que la résurgence d’Arleblanc apporte des eaux souterraines reconnaissables en été à leur fraîcheur.
Ces rivières allogènes coulaient à l’origine à la surface des Gras. On trouve des vestiges de leur passage sous formes de poches ou de placages de galets de schistes ou de roches magmatiques en provenance des Cévennes.
Elles ont formé les gorges en s’enfonçant progressivement dans le calcaire.
UN CLIMAT ET DES COURS D’EAU TOUT AUSSI ORIGNAUX
Le climat est de type méditerranéen, atténué par l’éloignement de la mer et la position de la France dans la partie occidentale de la Méditerranée. Les étés sont chauds et secs, mais parfois rafraîchis par des orages, surtout en août – septembre. Les précipitations sont assez abondantes, mais souvent violentes. Aussi les périodes de pluies sont-elles assez rares.
Dans leur partie haute cévenole, ces rivières drainent des vallées aux versants très raides, séparées par des « Serres ». Elles sont elles-mêmes fort pentues. Cela leur donne des caractères originaux à fortes contraintes pour les habitants : elles sont parfois presque à sec en été. Mais en toutes saisons, avec un risque accru à l’automne et au printemps, elles sont capables de connaître des crues redoutables. Ces crues, dites cévenoles, sont liées aux plus violentes pluies que l’on connaisse en France métropolitaine, avec des abats d’eaux de 300 à 400 mm en 24 heures. L’eau dévale à vive allure la partie cévenole et arrive avec une violence extrême dans les gorges. Ces crues posent de difficiles problèmes d’aménagement. Les crues du 22 septembre 1890 et du 22 septembre 1992 sont restées dans les mémoires et sont montées si haut que leur niveau est signalé sur une maison de la place centrale de Labeaume et sous l’église de Rosières. Plus récemment, le 17 août 2004, une crue un peu moins violente a parcouru les gorges en plein été, provoquant une noyade.
UNE VÉGÉTATION MÉDITERRANÉENE DÉGRADÉE
L’abandon progressif de l’agriculture depuis un siècle a modifié les paysages : alors qu’ils étaient complètement dénudés au début du XXe siècle, tant l’espace était exploité, les buissons, arbustes et arbres ont progressivement réoccupé les fonds de vallée, hormis quelques rares surfaces encore cultivées ou pâturées ; il en est de même sur les Gras, où l’on observe souvent des bois peu élevés, peu serrés, typiques d’une garrigue méditerranéenne sur terrains calcaires. L’omniprésence des murs montre qu’il s’agit partout d’anciennes terres exploitées. Ces bois présentent un grand risque lors des incendies, presque impossibles à arrêter si le vent souffle.
L’ensemble de ces traits, ajouté à la beauté de l’architecture rurale, donne à la commune une originalité certaine, très liée à l’histoire rurale de Labeaume durant les deux derniers siècles. Plus que jamais, cette originalité et cette diversité méritent d’être sauvegardées et protégées.